Accaparement des terres dans la région Ouest du Ghana

Bonjour!

Ma mission à Takoradi au Ghana est vraiment très intéressante mais je plains l’évêque qui n’a pas beaucoup d’argent alors qu’il y a plein  d’urgences! Comme à Madagascar le pays est très riche mais les fermiers sont très pauvres!

Pendant les 2 premiers mois, j’ai essentiellement rencontré les communautés de femmes pour discuter de leurs difficultés de vie. Avec la coordinatrice du bureau de développement des femmes, nous avons monté des projets mais l’évêque n’a pas de sous! J’ai proposé un projet ( celui des fishs mongers) au prix Terres de femmes de Yves Rocher mais leur jury trouve que nous n’avons encore rien commencé et nous conseille de refaire le dossier pour l’année prochaine ( ce que je vais faire évidemment  20 000 € à la clé))

Le projet  qui me tient le plus à cœur est celui des problèmes d’accaparement des terres que je vous décris aujourd’hui : 

Contexte :

Dans la culture Fanti la terre est un bien commun, nul ne peut posséder la terre ! Le chef du village peut attribuer des terres en fonction du besoin de chacun ou les reprendre si elles sont peu cultivées…

La colonisation a mis le trouble dans cette gestion en apportant la notion de propriété. Les colons ont commencé à payer le chef du village pour construire des forts en bord de mer dans la perspective du commerce triangulaire ! Et ils continuent !

L’état a besoin de produits d’exportation pour équilibrer ses comptes comme le demande la Banque Mondiale dans les plans d’ajustement. Donc il accorde facilement des permis d’exploitation sur des terres « appartenant aux villageois » mais n’ayant aucun papier !

Nous nous retrouvons en face de 3 cas de figure concernant l’accaparement des terres :

 

1 – Plantation d’arbres à caoutchouc : Hévéas

L’entreprise Grel (capitaux français) a payé les chefs des villages de la région d’Abuara (près d’Axim) pour planter des forêts d’arbres à caoutchouc sur … 18 000 ha. L’argent est resté dans les mains des chefs de village ! Les villageois n’ont plus de terres à cultiver. L’entreprise a promis de construire des bâtiments pour les villageois tels qu’école et centre de santé, ce qu’elle a fait mais ne donne pas d’argent pour le fonctionnement !

Par contre, elle emploie 15 000 personnes et paie une assurance santé pour ses salariés : ce qui apparait plutôt bien au demeurant mais les meilleurs ouvriers sont payés 600 GH… au rendement ! la plupart touche 400 Gh soit 80 € par mois !
Bien sûr ces plantations ne sont pas menées de façon biologique et les traitements sont importants !

   

2- Chercheurs d’or

  • Les alluvionnaires :

La plupart de ces chercheurs d’or sont des salariés de petites entreprises la plupart chinoises, souvent illégales. Les chefs de village ont vendu les rivières sans demande préalable des villageois. Ils extraient le sable des rivières par pompage puis le lave et le traite avec du mercure pour l’agglomérer ce qui pollue grandement les rivières ! Par exemple à New Atuabo , hameau de Samahu

  • Les puits en profondeur :
  • Les illégaux : ils ne soucient pas des routes et des fermiers locaux. Par exemple à Unsaem dans un hameau nommé Top, les fermières ne peuvent plus aller jusqu’à leur lopin de terre, la route étant totalement défoncée par les camions transportant les ouvriers de la mine ! De plus, ils ont coupé les arbres qui produisaient encore comme les plantains ou les papayers sans l’accord des «  propriétaires »

  • Les grosses entreprises certifiées par l’Etat : par exemple Gold field et Gag à Huniso . Elles utilisent la dynamite tous les matins à 5h30. Les maisons tremblent et les murs fissurent. Elles ont promis de construire un nouveau village pour 2000 Personnes mais n’ont pas commencé les travaux alors qu’elles exploitent les terres depuis plus de 10 ans

 

3 – Les mines de manganèse

Au Village de Tarkwa Banso, L’entreprise de manganèse : NSUTA Manganèse Company a détruit déjà une bonne partie des terrains depuis son installation il y a un an avec le soutien de l’état. L’usage de la dynamite en profondeur fissure les murs et des maisons se sont déjà écroulées. L’entreprise a promis un dédommagement pour les cultures. Des agents sont passés il y a un an pour évaluer le nombre de pieds de plantain ou de casaves (manioc). Ils ont mis un coup de peinture rose sur les feuilles et ont interdit aux fermiers de récolter, mais depuis un an ils attendent leurs compensations et ont peur de récolter leurs productions ! Pour les cultures de cocos il a été versé 150 000Gh ce qui fait 30 000€ pour tout le village! Aux vues des dégâts causés par les travaux d’extraction : destruction de la falaise en premier, destruction par effondrement des maisons suite aux secousses, l’entreprise a commencé la construction d’un nouveau village un peu plus loin. L’installation des fermiers devraient se faire à la mi -octobre 2018! Le nouveau « village » ne respecte pas, les us et coutumes locales sans salle de réunion ou d’église…De plus les fermiers n’ont plus de terres autour et doivent parcourir plusieurs kms pour réinvestir de nouvelles terres et ce, sans leur consentement !

 

Un villageois, un jour m’a dit : « les colons sont arrivés avec leur bible, ils repartent sans elle mais avec nos terres ! » 

Pascale, Ghana, 6 novembre 2018

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