Simplicité, authenticité et liberté – récit d’un volontariat à Dagana (Sénégal)

Voilà déjà cinq mois que je suis revenue de cette expérience de volontariat à Dagana, petite ville  située au Nord du Sénégal, proche du fleuve faisant frontière avec la Mauritanie. Et depuis, il n’y a pas un jour qui se passe sans que je ne pense au Sénégal. En effet cette expérience a su trouver son ancrage au fond de moi. J’étais partie dans l’objectif de lever l’ancre de mon quotidien devenu vide de sens pour prendre le large et poser l’ancre dans un nouveau port. En d’autres termes : « aller voir ailleurs si j’y suis ». Dans une certaine quête de sens, cette expérience fait aujourd’hui partie de mon cheminement vers ma recherche de la personne et de la femme que je suis et celle encore en devenir. En effet, ce voyage m’a permis de me recentrer sur moi. Il n’y a pas meilleure expérience que de se retrouver dans un contexte complètement étranger à soi pour être plus attentif à soi et se découvrir à nouveau. En effet l’inconnu nous mène à la confrontation à soi-même. Et on finit par comprendre que l’on a toutes les ressources nécessaires en soi pour tendre à un épanouissement. Il suffit juste de se faire confiance et être attentif à son instinct.

 

Les maîtres mots de cette expérience : simplicité, authenticité et liberté.

 

Simplicité : Dans un milieu où la simplicité règne, je ne pouvais qu’être moi, simplement moi, Annita, déchargée de mon statut d’étudiante, et de ma vie européenne bien trop rigide et contrôlée. Juste moi avec mes qualités et mes défauts, mes forces et mes faiblesses.

Cela nous amène alors à l’authenticité. J’ai pu enfin redécouvrir ce qu’est « être vrai ». Je décrierais cela comme le fait de se laisser guider par son instinct et de pouvoir être attentif à soi, à ses pensées, ses émotions et ressentis. Avoir confiance en soi et « se vivre » pleinement. On ne peut donc qu’être mieux disposer à une authentique rencontre de l’autre et  enfin se laisser porter et transformer par cette dernière. Cela nous mène aussi à notre propre rencontre avec soi-même.

Vient enfin la liberté. Chaque jour, dans chaque activité, j’avais cette sensation de liberté. Je me donnais entièrement dans les tâches qui m’étaient confiées et les évènements qui se présentaient à moi. J’avais l’impression d’être hors du temps et de vivre au jour le jour dans l’unique préoccupation de vivre l’instant présent : les temps de jeu avec les enfants, les moments de prière, le repas avec cette famille sénégalaise ou encore ce trajet en bus avec cette passagère. En effet, le temps était aussi propice à une certaine contemplation. Prendre le temps de capturer ces moments simples du quotidien : admirer le coucher du soleil rougeâtre, ce groupe de femmes qui traverse les rues sableuses, et le mouvement, au loin, de leur silhouette qui décrit un ballet de couleurs et de motifs en tout genre. Ces jeunes enfants qui jouent au football sur un terrain vague. Bref, se donner simplement le temps et la liberté d’être.

 

Découverte de la vie communautaire

 

Le partage de la vie quotidienne avec les religieuses, à Dagana, a été une véritable découverte qui a su ôter différentes fausses idées de la vie religieuse. J’ai été marquée avant tout par l’atmosphère très familial ; c’était comme si j’étais à la maison. J’y ai découvert une vie très active partagée entre les professions et missions de chacune des sœurs, leurs tâches quotidiennes et leur implication dans la vie spirituelle et liturgique. Je reviens avec beaucoup d’admiration pour ces femmes engagées qui ont quitté leurs racines afin de consacrer leur vie au service des autres. Leur dévouement et sens de l’engagement est source d’exemple et d’inspiration.

Quelle joie aussi de découvrir la vie de l’Eglise sénégalaise et de sa communauté aussi petite qu’elle soit. Elle trouve sa grandeur dans la joie et la gaieté de ses messes incroyablement vivantes et animées de chants, d’instruments et de danses aux rythmes cadencés faisant ainsi vibrer les cœurs.

J’ai été très agréablement surprise de la cohabitation des différentes communautés religieuses : chrétiennes et musulmanes. Il y règne une cordiale entente. Au moment de la prière du soir, le mélange des chants liturgiques de la chapelle des sœurs avec le rythme chantant des prières coraniques à la mosquée voisine donnait une mystérieuse impression de communion.

Mes différentes missions sur place.

 

Au dispensaire

Ma mission à Dagana avait été initialement prévue dans le but de renforcer l’équipe soignante du dispensaire. Toutefois, je me suis vite rendue compte que la nature des tâches attendues dépassait nettement mes connaissances et aptitudes. Il m’avait été demandé d’assister l’aide-soignant dans les soins administrés aux patients (ex : pansements, aide aux injections, etc.), choses que je ne maîtrise absolument pas. Par ailleurs, d’un point de vue éthique, je me devais d’éviter de prendre quelconques risques. Finalement, j’ai été utile dans certains petits services administratifs et logistiques.

A l’école maternelle

On m’a redirigée vers une autre mission au sein de l’école maternelle de trois niveaux : petite, moyenne et grande sections. L’objectif était de proposer des temps d’ateliers ludiques et pédagogiques en groupe pour soulager les conditions d’accueil des élèves dans les classes. J’étais ravie de cette nouvelle mission d’autant plus qu’elle correspond parfaitement à mes centres d’intérêts et mes expériences antérieures dans le domaine du scolaire.

Toutefois, ce fût paradoxalement l’expérience la plus éprouvante que j’ai pu vivre au cours de ce volontariat. J’ai été très heurtée par le type d’enseignement, quelque peu bousculant, qui nécessiterait certainement une réadaption de sa pédagogie. La relation entre les adultes enseignants et les enfants élèves est teintée d’une autorité atterrante. Cela suscitait beaucoup de comportements de méfiance chez l’enfant à l’égard des adultes. Cette situation me mettait très mal à l’aise.

En effet, j’ai été amenée à remplacer quelques temps une enseignante. Cependant, la priorité était, pour moi, d’installer un climat de confiance dans la classe. Il était ensuite essentiel d’aménager l’organisation de la vie de classe pour avoir des conditions de travail le plus confortable possible pour les élèves et moi. Avec l’aide d’une jeune sénégalaise et de l’assistante scolaire, nous avons divisé le groupe de quarante élèves en deux. Nous avons réinstallé : des jeux pédagogiques, des ateliers manuels et d’art-plastiques, et des temps calmes de lecture et de sieste. Le but principal était de ramener du ludique dans la pédagogie, et enfin être attentif au rythme biologique et d’apprentissage de l’enfant afin qu’il y trouve un épanouissement.

Au Centre de formation féminine

Le centre a pour fonction de proposer des cours de cuisine-pâtisserie et de coutures-tricot permettent l’obtention d’un certificat de formation permettant ainsi de travailler à son compte ou d’être embauché. Ces cours sont essentiellement pensés comme étant des médiations pour sensibiliser ces jeunes femmes à la construction d’un projet de vie et une ouverture vers différentes perspective d’avenir. Je prenais effectivement beaucoup de plaisir à m’installer dans les salles de cours avec ce groupe de femmes et à apprendre comme elles. Je me retrouvais bien là moi aussi, parmi elles, à tenter d’inscrire cette période dans un cheminement de vie, celle d’une jeune femme encore en devenir.

Le centre de formation féminine a été mon lieu cocooning de repli. Je me retrouvais parmi ces jeunes femmes à partager des moments de camaraderie et de partage qui ont été propices à des échanges, des discussions et des confidences.

Mon retour en France

 

Deux mois de volontariat m’ont semblé très courts. C’est le temps à peine de déposer ses bagages, de commencer à s’adapter et faire connaissance avec les habitants. Et maintenant, comment dire au revoir ? Nous vivons des vies complètement différentes comment allons-nous garder contact ? Il y a beaucoup de nostalgie. On part en se promettant de se donner la possibilité un jour de revenir, dans l’idée de retrouver ces personnes qui nous ont partagé leur vie pendant quelques temps.

Le retour en France a été également un dépaysement. Je me demandais comment allais-je pouvoir témoigner de ce que j’ai vécu durant cette expérience hors du commun. Que faire de ce que j’ai pu apprendre et vivre ? En tout cas, je m’efforce de rester attentive à préserver l’apaisement avec lequel je suis revenue. J’aperçois mon quotidien différemment cependant une réadaptation et un réaménagement ont été parfois nécessaires. Je constate aujourd’hui que mon regard sur mon environnement sur ce qui s’y passe et ce que je peux vivre est désormais décomplexé et plus simple,.

Cette expérience m’a permis aussi d’ouvrir mes perspectives d’avenir personnel et professionnel. Elle m’a conforté dans l’idée d’approfondir ma sensibilité dans le domaine de l’interculturalité. Par ailleurs, de par l’histoire coloniale du Sénégal, cela m’a ramené à des questionnements sur mes propres racines réunionnaises.

Voilà en quelques mots comment je pourrais décrire ce que j’ai pu vivre durant cette expérience de volontariat au Sénégal. Il y a encore tant de choses que j’aurais aimé pouvoir exprimer mais les mots ne suffisent malheureusement pas. Cette limite est peut-être la garante de la valeur précieuse de ce qui doit être vécu en silence intimement au fond de soi afin de laisser germer ce qui est en train de prendre racine.