De l’autre côté de la barrière à Natitingou

Je suis partie au Bénin. Le but de notre mission était d’accompagner les soeurs de de Saint Augustin, présente au nombre de sept pour dans cette communauté de Natitingou, dans leur travail d’enseignement. Je suis partie avec Quitterie, une amie. Nous avons toute les deux aidé pour les cours ainsi que dans l’aide au devoir des filles inscrites à l’internat des soeurs.

Le besoin de partir était lié à une période de transition dans ma vie : la fin de mes études et le début de la vie active. Je ressentais le besoin de prendre ce temps avant de «  passer de l’autre côté de la barrière ». Dans les faits, ce fut une expérience extrêmement riche. Cela m’a permis de faire le point sur ma vie, de faire le choix d’avancer. Cela a aussi été l’occasion de rencontrer des personnes formidables, en particulier les soeurs béninoises, dont la joie de vivre et l’accueil sans détour m’a profondément touchée. Le fait de partager mon quotidien avec des soeurs fut aussi pour moi l’occasion de mieux appréhender le mystère de la vie religieuse. Leur ouverture nous a permise de nous immerger complètement dans la vie de la communauté, et de mieux comprendre le sens de leur vocation.

J’ai aussi pu renforcer les liens avec mes amis restés en France. Le rythme de vie lent et celui de la prière m’ont aidé à privilégier des échanges qualitatifs et plus profonds. Avec l’envie d’être proche d’eux malgré la distance, pour me rendre compte finalement que ma présence auprès d’eux était plus forte en mon absence. Le fait de prendre vraiment le temps de répondre à un mail

ou d’écrire une lettre, au lieu d’échanger trois mots en soirée. Le fait de prier pour eux, de prendre le temps de les aimer chacun beaucoup plus individuellement.

J’ai enfin pu avancer dans ma relation amoureuse, et même si cette épreuve fut la plus difficile, que j’en ai beaucoup souffert pendant mon séjour et que c’est en grande partie à cause de cela que j’ai avancé ma date de retour, elle m’a fait grandir. Nous sommes maintenant fiancés et sûrement plus forts grâce à ce séjour.
Maintenant, je suis retournée en France depuis six mois. La vie a repris son cours. J’ai retrouvé le poste que j’avais quitté à peu de chose près, comme chef de produit marketing chez L’Oréal. Je ne pense pas avoir l’air transformée, ma vie a très peu changé, je ne suis pas devenue béninoise, je n’ai pas tout quitté pour entrer au couvent, je peine toujours autant à trouver le temps pour prier et j’ai d’ailleurs des nouvelles assez irrégulières des soeurs et des filles de l’internat. Mais je sais qu’au fond j’ai appris énormément sur moi, sur le monde, sur l’homme… Le voyage est toujours le meilleur moyen d’apprendre à se connaitre, et j’ai comme l’impression que celui ci m’a donné une certaine sagesse, un reste de mentalité africaine sûrement… Je suis la même mais j’ai cette sorte de recul par rapport à la vie qui aide à discerner et à surmonter les épreuves et une confiance en Dieu, une confiance en moi et en l’avenir, la force de traverser la vie sans crainte et dans la joie. J’ai pu choisir ma voie, en sachant exactement pourquoi. J’ai appris à comprendre les autres, à les aimer, et grâce à cela, à être exigeante avec eux en essayant de ne jamais les juger. Leur différence m’enrichit plus qu’elle ne me menace, aussi parce que je crois que ma mission m’a aidée à m’accepter tel que je suis et à faire la paix avec moi même. Je crois que c’est cela, devenir adulte. En cela, j’ai trouvé à Natitingou ce que j’étais venue chercher, et, de l’autre côté de la barrière, la vie est encore plus belle.
Aurore, au Bénin d’octobre 2014 à janvier 2015