Auprès des migrants de Nouadhibou (Mauritanie)
Déjà 3 semaines à Nouadhibou ! Le temps passe très vite pour moi, car je suis toujours occupé à droite ou à gauche. La mission catholique est un lieu vivant où l’on croise beaucoup de monde. Les gens viennent pour les activités de la Caritas, pour la formation, pour prier, pour jouer au foot ou avoir du Wifi.
C’est un lieu très différent du reste de la ville et qui offre un peu de souffle aux habitants. Dans ce pays, les gens travaillent, dorment, font les courses ou vont à la mosquée uniquement. Tous les lieux de distraction ont été fermés par l’Etat. Même pas le moindre cinéma ou bar à l’horizon.
En se promenant à Nouadhibou, on remarque tout de suite le nombre impressionnant de déchets à terre, mais il paraît que Nouadhibou est propre par rapport à d’autres villes du pays. De même, au milieu de la
douce odeur d’une combustion mal effectuée, on peut sentir un doux parfum de poisson pourri. Afin d’éviter de trop polluer en emmenant les déchets en dehors de la ville, les restes de poissons des usines
sont déposés sur le bord de la route. Néanmoins, cet écosystème permet de nourrir des chèvres et des
chiens. De plus, les plus pauvres recherchent dans les tas d’ordure ce qui pourrait être récupéré comme le montre la photo ci-dessous.
Les migrants peuvent rester à Nouadhibou très longtemps tout en ayant espoir d’aller en Europe. On estime entre 35 000 et 55 000 migrants présent ici. En effet, pour devenir Mauritanien, il faut être musulman. Certains restent donc toute la fin de leur vie migrant sans avoir accès à une nouvelle nationalité. D’ailleurs, les enfants qui naissent de migrants ne peuvent pas avoir la nationalité Mauritanienne si les parents ne le sont pas eux-mêmes.
La cohabitation est aussi compliquée avec les mauritaniens, nous sommes les « khanissa » : il faut s’en méfier car d’après certains, notre objectif serait de pervertir les musulmans. Nous n’avons d’ailleurs pas le droit de parler de religion avec les Mauritaniens car nous serions accusés de prosélytisme.
Le matin, je m’occupe du pôle accueil-écoute de migrants. Je les reçois et je découvre leur histoire. J’essaie ensuite de comprendre leurs motivations afin de formuler leurs besoins.
Une fois leur demande clarifiée, je les renvoie vers la personne qui pourrait les aider. Pour une demande de soins, je leur recommande d’aller à la pharmacie où ils pourront voir un docteur. Pour les autres, j’en discute avec le Père Pachel et il rappelle ensuite les migrants.
Quand on demande aux migrants pourquoi ils viennent à la Caritas, ils nous répondent : « ici, les gens écoutent et essayent de trouver une solution » ou bien : « vous aidez aussi bien les musulmans que les
chrétiens ».
En ce moment, beaucoup de Nigérians passent au bureau. Ils nous demandent de l’aide pour des soins ou pour trouver un travail, car ils vivent dans des situations difficiles. Il existe différents réseaux qui aident les Nigérians à venir en Mauritanie, mais une fois arrivés, ils sont traités comme des esclaves, car leur argent est envoyé directement à leur famille. Ils doivent donc attendre que leur responsable leur donne
de la nourriture ou des habits pour pouvoir vivre.
L’après-midi, je suis souvent arrivé à la pharmacie pour faire l’accueil. Les personnes qui viennent peuvent voir un docteur et recevoir des médicaments à des prix très bas. Les Mauritaniens ne représentent que la moitié des personnes. Il y a aussi beaucoup de Maliennes avec leurs enfants. Des mères viennent pour leurs enfants de quelques mois. Ça me fait toujours bizarre de voir des femmes plus jeunes que moi qui viennent avec leurs enfants.
En moyenne, une vingtaine de personnes viennent consulter chaque jour en l’espace de deux heures. Le plus dur dans cette tâche, c’est de communiquer avec les personnes pour leur demander des renseignements sur leur identité. Beaucoup ont du mal à parler français et certains ne le parle pas du tout. J’ai donc appris quelques mots dans différentes langues pour me faire comprendre.
Je suis face à des réalités bien différentes de chez moi mais je m’ouvre à d’autres cultures et à d’autres façons de vivre. Discuter avec les migrants permet de voyager un peu partout en Afrique de l’ouest et du centre. Je ne regrette pas du tout d’être parti faire cette expérience.