De septembre 2011 à février 2012, Jean-Baptiste et Elizabeth Gailly, de Dinard, sont en mission avec l’association Opération Amos à Impfondo, au Nord de la République du Congo. Récit.
Pourquoi partir ?
A l’approche de la cinquantaine, le vieux rêve de partir en mission s’est réveillé ! Plusieurs raisons à cela. Nous avons eu la chance de séjourner dans quelques pays africains (en vacances ou pour le travail) et nous espérions, un jour, pouvoir y accomplir une mission plus « humanitaire ». Nos quatre enfants ont quitté le nid familial: deux sont autonomes et deux
sont étudiants (à Londres et à Manille !). Nous voulons voir grandir nos futurs petits enfants et notre fils ainé se mariant au printemps 2012, il ne fallait pas trop attendre pour un départ… La période choisie pour notre mission nous permettait donc de rentrer à temps pour le mariage de notre fils, cela ne perturbait pas trop nos divers engagements et cela me laisserait du temps pour organiser la saison touristique car je suis diacre et responsable de la pastorale de tourisme pour le diocèse de Rennes, Dol et St Malo. Il restait évidemment à obtenir des autorisations des employeurs, mais finalement l’obtention d’un congé sans solde pour Elizabeth qui est conseillère conjugale et familiale à l’hôpital de St Malo ou pour moi qui suis enseignant au lycée de Dinard n’a pas été trop compliquée à obtenir.
Le choix d’Impfondo
Décidés à partir, nous avons envoyé de nombreux dossiers de candidature, dont un à Opération Amos en raison d’un lien amical avec un Spiritain, le P. Michel Robert. Nous avons reçu plusieurs propositions pendant l’hiver 2011 et après discernement, nous avons choisi Impfondo. Impfondo (20 000 habitants) est la préfecture de la Likouala, région plus grande que la Bretagne avec 250 000 habitants environ dont 100 000 réfugiés (RDC à 90 %, mais aussi Tchadiens, Rwandais, Centrafricains) et 50 000 pygmées. C’est une région très enclavée : beaucoup de forêts, pas de route vers Brazzaville la capitale qui est à 1000 km ! Deux avions par semaine et le fleuve Oubangui où passe une barge environ par semaine qui met 8 jours pour rejoindre la capitale en suivant le courant et 15 pour remonter… La moitié de la superficie est recouverte d’eau de septembre à décembre, ce qui explique l’absence de route. Vers le nord et la Centrafrique il y a quelques pistes utilisées par les sociétés forestières où la moyenne horaire avec un véhicule 4×4 est de 30 km/h maximum (boue, arbres en travers, bacs pour passer les rivières).
En partant en ce lieu du bout du monde, nous avons répondu à l’invitation de Mgr Gardin, présent depuis 40 ans dans cette région, préfet apostolique depuis 2000 et évêque depuis mars 2011. Il s’efforce de structurer son diocèse qui comporte 9 paroisses. Il a 12 prêtres avec lui (de 5 nationalités !).
Nos activités
Ici notre vie est rythmée par les horaires de la paroisse : prière des laudes à l’église à 6 h le matin suivi de la messe en lingala. Petit déjeuner et c’est parti pour la journée avec une pause pour le repas de 12 h30, suivi d’une sieste qui s’impose, avant la reprise. La nuit tombe à 18 h (12 mois sur 12 !) ce qui fait qu’il n’y a jamais d’activité au-delà de 18 h30… De même quand il pleut beaucoup, la vie s’arrête car les gens ne se déplacent pas que ce soit pour la messe, l’école, le travail, une rencontre prévue… Un soir sur trois, il y a du courant de 17h à 22h, souvent avec des coupures. Parfois le générateur vient compenser, sinon c’est la bougie, la lampe à pétrole ou la torche.
Quand il a reçu nos dossiers, l’évêque nous a dit qu’il faudrait « laisser l’Esprit conduire notre mission »… Nous nous sommes donc mis à la disposition des paroisses et des nombreux groupes gravitant autour des paroisses. Ainsi nos activités sont très diverses : participation à la session des prêtres qui lançait l’année pastorale, animation d’une session de catéchistes autour des sacrements, session sur l’accueil de l’étranger, du réfugié, du pygmée… Un autre type d’animation concerne le mariage et la vie de famille : nous préparons deux couples au sacrement de mariage (ici c’est très rare, car la polygamie est très présente et la belle-famille réclame une dot importante !), nous organisons des rencontres thématiques (pardon, communication) pour les couples, des rencontres avec les jeunes (15-20 ans) où nous abordons une variété de sujets (relations sexuelles, différences garçons-filles, le futur), à quoi se rajoute les groupes de partage et réflexion avec les « mamas catholiques », groupe de femmes d’un âge certain, souvent abandonnées par leur conjoint ou veuves et devant se débrouiller pour faire face à un quotidien très difficile.
Soutien éducatif
Nous travaillons aussi avec le P. Lucien Favre, spiritain suisse, qui a la charge des populations autochtones (pygmées) et qui s’occupe de développer un réseau d’écoles ORA pour eux, en lien avec l’Unicef. Pour la rentrée scolaire, il avait pour mission de constituer 50 000 kits scolaires (2 cahiers + une gomme + deux bics + une ardoise + crayons) et ensuite de les distribuer dans toutes les écoles de la province. 80% se fait en pirogue : vous imaginerez facilement les difficultés de logistique ! En ce moment, je l’aide à constituer un dossier de demande de subvention auprès de la Communauté Européenne.
Diacre
Être diacre permanent confère un statut particulier et j’ai dû beaucoup expliquer en « quoi cela consistait ». Les gens me sollicitent facilement pour « palabrer » ou pour un conseil familial, conjugal, ou personnel. Elizabeth m’assiste souvent. La rencontre avec les personnes en difficulté est assez simple et ils ont vite compris que nous n’étions pas là pour leur donner de l’argent ou un vêtement mais pour aller à leur rencontre, partager, accompagner et vivre ensemble. Même en étant logés au presbytère où nous sommes des « nantis », nous nous efforçons de vivre au plus près d’eux et nous participons activement aux différents travaux de la paroisse : cuisine, lessive, nettoyage. Nous avons d’ailleurs perdu quelques kilos depuis deux mois… Notre seul luxe consiste à aller deux fois par semaine au poste local du HCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés) où nous avons un libre accès à internet. Cela nous permet d’avoir des nouvelles familiales et amicales, car le courrier de France n’arrive pas !
Le sens d’une mission
Notre mission est difficile car les conditions matérielles le sont ! Notre mission est riche car les rencontres sont nombreuses et nous arrivons à aller au-delà du superficiel. Notre mission est faite d’imprévus très nombreux, de toutes sortes, qui viennent nous perturber, nous remettre en question …mais n’est-ce pas pour cela, entre autre, que nous sommes là ? Sommes-nous utiles ? Ce n’est sans doute pas à nous de répondre…Certains regards, certaines demandes, certains actes nous font croire que oui… Nous allons rentrer différents, ressourcés et toujours décidés à être apôtres du Christ où que nous soyons. Merci à tous ceux qui nous ont permis de vivre cette très belle expérience !