Jeanne nous raconte ses deux 1ers mois en Côte d’Ivoire
Le matin mon réveil sonne vers 6h45. Je me prépare puis je pars petit déjeuner à 7h00. Un peu de baguette et un grand café pour tenir la journée.
Nous ouvrons l’infirmerie à 7h30. Après un bon coup de ménage, nous accueillons les premiers malades et cela pendant toute la matinée. Des grands aux petits « bobos » , tout y passe. A 13h00 nous partons déjeuner jusque 15h00 la réouverture de l’infirmerie. Nous soignons les quelques patientes jusque 17h30 si pas d’urgence.
Quand je rentre le soir en communauté, j’aime aller marcher en écoutant de la musique quand je le peux. C’est mon petit moment d’évasion , en solitaire, loin du bruit et de l’action de la journée. J’en profite également pour appeler mes proches. On s’est fixé le mercredi et le dimanche comme jour d’appel vidéo. Ça me fait du bien de pouvoir les entendre mais aussi les voir. C’est l’un des avantages des téléphones portables d’aujourd’hui. Évidement ma famille, mes amis me manquent mais ce n’est pas un frein pour vivre pleinement mon voyage car je sais que je les revois bientôt.
Après tout cela, à 18h30 il y a la prière avec les sœurs de la communauté. J’aime y assister quand je peux, assez souvent à vrai dire. Les sœurs m’ont appris comment utiliser le livre de prière donc je peux suivre ces moments plus aisément. Et ce temps me permet de prier également dans mon cœur. Quand je n’y vais pas, ou même à d’autres moments de la journée, j’apprécie passer un temps avec Dieu car finalement si j’ai la chance de vivre ce voyage c’est grâce à lui. Ici j’ai le temps de lire ma bible, d’écouter des louanges, des prédications,… ce voyage à pleinement renforcé ma relation avec Dieu. Il est mon confident, mon protecteur, mon ami tout simplement.
Après cela , je me lave, je fais un peu de rangement et puis je pars dîner. Nous mangeons toutes ensembles le soir contrairement au déjeuner. C’est le moment où chacune se donne les « nouvelles » de la journée. C’est une habitude très importante ici. A chaque rencontre ou déplacement, les habitants se donnent les nouvelles, résumé de leur vie du moment. Pendant le repas, nous regardons les informations et nous papotons. Ensuite on fait toute la vaisselle puis chacune part à ses occupations (télévision, chambre). Voilà comment se passe une journée habituelle ici.
Sinon quand je ne suis pas à l’infirmerie, je vais aider une des sœurs à la ferme pour nourrir les animaux. J’apprends beaucoup. Pour tout dire, la vie en communauté se passe bien, nous sommes 8 avec moi mais chacune fait attention à l’autre. Venant d’une grande famille, je n’ai pas de difficulté à vivre en communauté mais c’est vrai que j’apprécie les moments où je peux me retrouver seule dans ma chambre.
Quand j’ai du temps libre, le week-end en particulier, j’essaie d’aller voir les collégiennes. On s’entend bien, elles me montrent leurs danses, leurs musiques ou leurs chanteurs préférés. Le problème c’est qu’elles sont si nombreuses (500 élèves et 300 internes) que c’est compliqué de nouer des liens plus personnels avec toutes. Je ne veux pas que certaines se sentent exclues ou trouvent que je m’adresse moins à elles…
De plus, je dois garder une certaine frontière entre être leur copine et être leur infirmière. Je dois conserver le statut « hiérarchique » question de respect… Cependant, elles restent assez bien informées, pour la plupart, sur la santé car elles ont la chance d’avoir accès aux soins avec la situation financière de leurs parents.
D’ailleurs, l’accès à la santé est un sujet qui me peine énormément ici…
Quand je suis partie travailler au dispensaire d’un village, j’ai pu constaté que de nombreux habitants n’avaient pas accès aux soins. Car ici, contrairement à la France, les médicaments, les soins, les consultations, tout est payant. Rien est remboursé. Donc certaines femmes viennent avec leurs enfants très malades car elles n’ont pas pu les emmener au dispensaire avant, faute de moyens. Régulièrement, nous prescrivons des médicaments et les patients ne vont pas les chercher en pharmacie car ils n’ont pas d’argent… et je trouve cela tellement injuste de ne pas être égaux en matière de santé. Nous avons énormément de chance d’être en France et il faut le souligner.
C’est d’ailleurs au sein de ce même dispensaire que j’ai vécu mon meilleur souvenir ( pour l’instant). Je savais qu’il y avait une partie maternité dans le dispensaire donc j’avais demandé à la sage-femme de m’appeler si jamais il y avait une femme sur le point d’accoucher pour que je puisse observer. Mais finalement quand elle m’a appelé, c’était au delà de mes espérances car je n’ai pas simplement observé mais j’ai exécuté. J’ai aidé la maman à sortir le nouveau né de son ventre et tout ce qui suit ( j’épargne les détails…). J’ai prodigué les premiers soins au bébé et à la maman. J’ai également eu l’honneur de donner mon prénom à cette jolie petite fille. Cette expérience, mon première accouchement, restera gravé dans ma mémoire. C’était tellement intense! Je pourrais le revivre 100 fois.
Tous les moments au dispensaire étaient intenses et nouveaux pour moi. Réaliser des soins aux enfants parfois si petits, m’adapter au manque de matériel ou aux techniques différentes. C’est une chance dans mon parcours professionnel et cela va m’apporter que du plus. L’équipe était géniale. On a tissé des liens et on s’est échangé nos numéros. Ils m’ont tellement touché et bien accueilli que quand j’ai raconté cela à ma mère, on a décidé de leur faire un don de matériel médicale. J’irai leur apporter à la fin de mon voyage quand j’aurai reçu le matériel voulu.
C’est vrai que la vie ici est totalement différente, les gens vivent beaucoup dehors et se contentent de peu. Parfois je culpabilise car j’ai l’impression d’avoir tout et même trop. Mais d’un autre côté, je me dis qu’ils sont heureux comme ça car ils ont toujours vécu comme cela ? Enfin je ne sais pas vraiment, c’est une supposition.
Ce que j’ai remarqué aussi c’est qu’ils ont l’image de l’européen qu’à travers les films donc quand j’échange avec eux, ils ont une vision totalement différente de la réalité. Mais ce n’est pas de leur faute. C’est difficile de se faire une idée autrement aujourd’hui avec les médias, les films ou les réseaux sociaux.
Ce qui était dure également au début , ça l’est encore parfois aujourd’hui, c’est d’être regardée, observée et touchée car je suis blanche. C’est parfois oppressant.
Je ne trouve pas qu’ici la vie est spécialement simple.
Ce qui m’a frappé également ce sont les déchets. Tous les déchets au sol me brisent le cœur car la nature ici est tellement belle. Mais il n’y a pas de poubelle dans les rues ou devant chaque maison comme chez nous. C’est une autre manière de vivre, un autre continent, un autre pays, je pense que la comparaison n’est pas faisable.
Sinon la nourriture est très bonne ici. J’ai goûté pleins de nouvelles choses. Très enrichissant. Je vais repartir pleins de recettes dans mon carnet de voyage.
Au niveau des coups durs, je n’ai pas souvent été confronté à des baisses de moral depuis le début de mon voyage car j’ai la chance que mon voyage se passe bien et je vis pas mal de chose. Mais quand cela m’arrive j’en parle à mes proches qui me rassurent et m’encourage et avant tout j’en parle à Dieu. Je prie pour qu’il m’aide à rester focus sur pourquoi je suis partie. Cela me redonne le sourire.
Cette expérience reste un voyage où il faut savoir gérer la solitude. Je n’étais jamais partie seule, si loin et pendant une si longue période donc sans l’aide de Dieu je n’aurais pas réussi à vivre ces moments pleinement. J’ai appris que je pouvais vivre sans artifices avec peu de chose dans un environnement et un climat totalement différent de celui dans lequel j’ai toujours vécu. Je sais que j’en sortirais changé et grandi.
Cependant il me reste encore un bon mois à vivre en Côte d’Ivoire donc c’est parti pour vivre ce mois à fond !