L’aventure humaine, professionnelle et personnelle de Maëlig au Cameroun
Envoyée en mission pour 5 mois à Douala, la capitale économique du Cameroun, j’exerce mon métier de psychomotricienne auprès de 13 jeunes de 10 à 26 ans, porteurs d’handicap mental au sein du foyer Soleil Levant. Les petites Servantes du Cœur de Jésus m’accueillent dans leur communauté. Je suis en plein cœur de la ville, qui grouille de monde, surtout au niveau des marchés qui m’impressionnent beaucoup. Et ici, pas moyen d’être discrète, “la blanche” comme on nous appelle ici est directement visible et interpellée. C’est ce qui me frappait beaucoup au départ, et me dérangeait un peu, être la seule blanche à des kilomètres à la ronde. Je dirais désormais que c’est une vraie expérience sociale, à laquelle finalement, on s’y habitue!
5h40 c’est l’heure de mon réveil, mes journées commencent tôt mais avec la chaleur et le bruit dès le matin, je m’y suis faite rapidement ( à vrai dire je me surprends moi-même!). A 6h15 je suis assise sur le banc de l’église tout près de chez nous, afin d’assister à la messe, quelle chance de recevoir Jésus tous les jours ! Ensuite, à dos de moto taxi, je me rends au foyer Soleil Levant.
J’ai été chaleureusement accueillie par l’équipe d’éducateurs du foyer. J’appelle les éducatrices maman suivi de leur prénom (Maman Marie, Maman Nicolle,…) et je suis appelée tata Maelig. J’ai tous pleins de neveux et nièces! C’est une façon conviviale et sympathique je trouve de se nommer ainsi entre nous et qui est totalement normale ici.
Au foyer, les journées sont composées de temps d’école ( écriture, lecture, mathématiques…) en fonction du niveau de chacun, des temps de bricolage, d’activités artisanales (création de chapelets, dessins, origamis,…) et des temps de pauses et siestes pour les enfants. Du sport une fois par semaine pour garder la forme, une balade le lendemain. Et quelque fois l’activité physique est simplement d’aller puiser l’eau, qui n’est pas tout près, et porter les bidons remplis c’est sportif. Mais bientôt, un nouveau système d’eau sera installé dans le foyer, ce qui nous facilitera la tâche. Je ne viens donc pas seulement en tant que psychomotricienne, et l’aspect polyvalent de la mission est encore plus enrichissant. Les séances de psychomotricité que je propose se font en groupe et en individuel. C’est une belle expérience professionnelle, étant toute jeune diplômée. D’autant plus qu’une psychomotricienne camerounaise est présente au foyer 2 jours par semaine.
Les enfants me surprennent beaucoup, quelquefois m’agacent, je l’avoue et me demandent d’invoquer Sainte Patience, mais j’apprends aussi énormément grâce à eux. Le rire est souvent de la partie ici ! En ce moment nous organisons la fête de Noël du foyer, qui sera rythmée et musicale.
La vie spirituelle, que j’approfondis énormément, est une force dans ma mission, elle m’apporte du réconfort dans les moments plus difficiles notamment de solitude, de craintes, quand la France me manque,… elle rythme mes journées et fait grandir ma vie intérieure. Ces temps de prière sont aussi un beau moment de partage et de communion avec les sœurs qui m’accueillent.
La culture est si différente qu’il n’est pas évident de tout comprendre, et il m’est arrivé de me sentir en décalage, en désaccord quelque fois notamment sur l’éducation, la famille… mais j’apprends à accepter, à être à l’écoute pour mieux comprendre. Vivre l’interculturalité devient alors une vraie richesse !
La pauvreté est frappante ici, la vie est dure pour beaucoup, et je me rends compte de la difficulté à trouver un travail pour certains même en ayant une licence, un master ou un autre diplôme. J’ai pu avoir de belles discussions, auprès de personnes qui vivent avec peu. Mais il y en a aussi qui viennent à ma rencontre par intérêt, en pensant obtenir de l’argent… et cela biaise la relation. Malheureusement cela arrive souvent. L’insécurité à certains lieux et moments, les vols en ville, les routes dangereuses,… sont présents et demandent d’être vigilant. Trouver un équilibre entre la prudence et à la fois se laisser une certaine liberté n’a pas toujours été facile et prenait même une place importante au début de la mission. Mais mes craintes diminuent de plus en plus en étant plus proche des camerounais que je rencontre, et plus à l’aise dans ce nouvel environnement.
Les toutes petites choses que je fais dans une journée, un petit service, un petit geste du quotidien, un court dialogue échangé dans la rue deviennent des pépites, qui ne sont pas anodines. J’apprends à être attentive au moment présent, et je me sens beaucoup moins stressée que dans ma vie en France. Le rapport au temps, qui semble extensible ici, joue sans doute aussi! Mais je crois que c’est une grâce, un certain clin Dieu, qu’il me donne 😉
J’ai eu l’occasion de voyager avec d’autres volontaires français. C’est une chance de pouvoir partager, échanger sur ce que l’on peut vivre. J’en ai eu besoin et cela fait du bien. Au bord de la mer, à 5 mètres d’une île peuplée de chimpanzés, en figuration sur un tournage de film, sur l’île de Mbappé (oui oui, bon… à vrai dire elle s’appelle l’île Djéballé, mais une partie de sa famille y habite et il a financé les locaux d’une école dessus) : j’ai pu vivre de belles expériences dans ces deux premiers mois de mission, et surtout découvrir ce beau pays et sa nature verdoyante, un sol rouge vif à l’Ouest, des cascades et une mer chaude (quel bonheur!).
Malgré des hauts et des bas, je réalise la chance de pouvoir vivre cette expérience, j’y trouve du sens et une vraie joie ! C’est une belle aventure humaine, spirituelle et professionnelle.
Maëlig, Lettre de mission, 12 décembre 2024